Témoignage:

Paru dans le quotidien LE COURRIER, Suisse, 30 mai 2012:

"Nous sommes ici. Montréal. Le vent de la révolte souffle. Les hélicoptères sillonnent le ciel. Les lumières des voitures de police clignotent partout au bout des avenues. On ne parle que de ça. On arbore tous le carré rouge. On n’a plus d’horaires. Plus faim, plus soif. On n’a plus cours. On n’a plus de rendez-vous. La seule chose qui compte c’est dire non. La seule chose qui importe c’est le tintement des casseroles de 8 heures du soir. Oui, c’est plus fort que tout, impossible de résister, les gens sortent des maisons, ils sortent, sans rien, sans sac, sans banderole mais avec des casseroles, des couvercles, des cuillères et ils rejoignent le flot des manifestants. Ils sont des centaines, parfois des milliers, parfois dix. Ça commence tout petit au coin de la rue et puis ça grandit. Et ils marchent, dans les rues de Rosemont, dans les rues du Mile End, dans les rues du centre, dans les rues du Plateau. Ils marchent. Ils marchent des heures d’un pas vif, d’un pas déterminé. Rien ne peut les arrêter, ni les voitures, ni les arrestations. Et depuis les terasses des bistrots, depuis les fenêtres des appartements, des bureaux, d’autres hommes et femmes les soutiennent, frappant eux aussi leurs casseroles. On est plus de cinquante. La loi 78, on s’en câlisse. Voilà ce qui est dit. Et la marche continue. Prendre la ville comme on prend le mâquis. Imposer à chaque coin de rue la marque du désaccord. Car voilà, si le gouvernement Charest après 100 jours de grève des étudiants contestant la hausse des frais de scolarité a répliqué en adoptant cette fameuse loi 78, c’est qu’il est bien incapable d’entendre ce qu’il se trame là dans les rues québécoises. La loi 78 est un outrage fait aux étudiants, aux citoyens, à la démocratie. Un outrage qui fait écho aux lois aussi adoptées en Europe où partout dans l’ombre la liberté d’expression est mise à mal (en Suisse depuis longtemps on ne peut manifester sans autorisation et depuis mars à Genève on peut être amendé jusqu'à 100 000 francs pour une manifestation sauvage ou qui ne se serait pas déroulée selon l'autorisation obtenue.) Que se passe-t-il donc dans nos sociétés démocratiques ? Pourquoi a-t-on besoin de baillonner si fort les étudiants ? Les contestaires ? Les pensées divergeantes ? Y aurait-il donc péril en la demeure ? Péril de voir périr le système qui nous propose austérité, sécheresse, licenciement et parachute doré pour ceux qui sont du bon côté ? En marchant avec les Québécois, l’ivresse du changement monte à nos têtes, et nous voudrions qu’après les Indignados, le mouvement Occupy, les révoltes grecques, nous voudrions que ces millions de pieds qui foulent le bitume, remodèlent enfin le monde dans lequel nous vivons.
Sortons nos casseroles !

Montréal, 29 mai 2012, Julie Gilbert, Frédéric Choffat
Julie Gilbert et Frédéric Choffat, auteur et cinéaste genevois, sont actuellement à Montréal où ils ont présenté leur spectacle Outrages Ordinaires au Théâtre Espace Libre, ainsi que leurs films Mangrove, Walpurgis, et La Rencontre de St-Gervais."

4 juin: 42ème marche nocturne. "clic" = des photos!
4 juin: 42ème marche nocturne. "clic" = des photos!

 

... Une Manif par soir... Jusqu'à la victoire... https://www.facebook.com/photo.php?v=3815142649758